Tout en étant loin de l'impact protectoral français, est ce vrai que la langue espagnole virevolte en triomphe dans le ballet des langues à la petite Jérusalem (Tétouan), réléguant le français dans les coulisses ?
Pour répondre à cette question, nous devons voyager dans le temps vers l'époque du "protectorat" français, où un accord a été conclu le 27 novembre 1912 entre la France et l'Espagne afin de morceler l'empire chérifien en plusieurs zones. La zone nord et une partie du Sahara Marocain ont été attribuées à l'administration espagnole. Cette zone nordique garde jusqu'à maintenant son particularisme linguistique au niveau de la langue seconde de ses habitants, à la différence d'autres régions du pays qui sont influencées plus au moins par la culture française. Il est indubitable qu'en arrivant à Tétouan et ses environs, le langage change d'un dialecte "soi-disant" commun entre Marocains à un autre mélange de langues à savoir: le dialecte marocain, le berbère et l'espagnol.
Dès qu'on débarque à Tétouan et dans ses environs, les gens commencent à s'adresser aux voyageurs et aux visiteurs par des "Hola", "Bueans Tardes", "Qué tal?", mais cela ne signifie pas que, de nos jours tous les Chamalis parlent courament l'espagnole. Certes ils le parlaient autrefois en raison de cette histoire partagée entre tétouanais et espagnols. Le fait que les habitans du nord du Maroc s'expriment en utilisant des termes et des expressions, et affichent leurs produits dans les vitrines des échoppes en langue espagnole; n'est dû qu'à la colonosiation indirecte "le protectorat" espagnol de la ville de Tétouan.
Outre "le protectorat", le voisinage géographique de la région nordique avec l'Espagne a joué et joue encore un rôle crucial dans la diffusion du castillan. La présence espagnole dans cette région a donc eu une influence significative sur la langue et la culture de cette zone septentrionale. Sans même avoir la nécessité d'aller au continent européen, l'Espagne s'atteint dès l'exclave de Ceuta, à une heure de route du nord de Tétouan, ce qui signifie que les habitants de cette dernière avaient un fort contact avec les espagnols surtout avant la pandémie de Corona puisqu'ils étaient autorisés à transiter entre les deux pays sans avoir besoin de visa.
En effet, le particularisme linguistique de la région a réussi à trouver des ressorts afin de perpétuer son existence dans un royaume choisissant la langue hexagonale comme langue seconde, positionnée juste après les langues officielles que sont l'arabe et l'amazigh. Il est à noter que les municipalités de Tétouan, de Tanger et de Chefchaouen utilisent jusqu’à présent des panneaux de rue traduits en espagnol, elles fournissaient même des documents tels que l'acte de naissance et tout type de certificats administratifs en langue espagnole, ce qui a déclenché un clivage systématique entre les autorités centrales et locales du royaume, engendrant des ressentiments chez les Chamalis qui percevaient cela comme une forme d'imposition culturelle.
Cette disparité a engendré un sentiment de rejet envers la langue française, un Chmali va jusqu’à affirmer qu’il « déteste parler français » ou même de déclarer que ce n’est pas de sa faute qu’il ne la maîtrise pas, en se dédouanant en disant « ma famille ne maîtrise que l’espagnol comme seconde langue, alors comment puis-je maîtriser une autre ? » Pour lui cela n’a aucun sens.
Néanmoins, cette même personne exprimera son mécontentement face au fait, qu’au Maroc, il est nécessaire de parler français pour s'intégrer professionnellement et trouver une belle opportunité, mais nous ne pouvons pas nier qu'actuellement et depuis des années, le système éducatif marocain laisse le choix aux apprenants de choisir leur deuxième langue étrangère, parmi lesquelles l'espagnol est présente.
La question majeure qui se posent est: Quelles perspectives cette dynamique linguistique pourrait-elle offrir pour l'avenir de la région?
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