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Une jeunesse marocaine ambitieuse : quelles sont les réponses pour les intégrer pleinement à l'Economie du pays ?

Le 15 septembre 2024, Fnideq a été le théâtre d'une scène récurrente mais tragique, des centaines de jeunes, Marocains pour la plupart, en quête d'un avenir meilleur au-delà des frontières, se sont précipités vers Sebta, espérant franchir la ligne de l'enclave espagnole. Cet exode massif n’est pas un simple fait divers mais un véritable cri de détresse d’une jeunesse en quête d’un avenir qui semble se dérober sous leurs pieds. 


Ce n’est pas tant la pauvreté matérielle qui pousse ces jeunes à l’exil, mais une pauvreté d’opportunités, un sentiment d’étouffement face à un horizon bouché. Le malaise est palpable : au-delà des statistiques et des chiffres, ce sont des espoirs brisés et des aspirations non réalisées qui se cachent derrière chaque tentative de passage vers l’autre rive de la Méditerranée. 

Réseaux sociaux : entre désinformation et illusion d'un Eldorado

Les réseaux sociaux, véritables catalyseurs de rêves et de fantasmes, jouent un rôle central dans l’orchestration de ces départs. TikTok, Facebook, Instagram : ces plateformes regorgent de vidéos dépeignant une Europe idyllique, terre promise où la réussite est à portée de main. Le succès de certaines figures de l’immigration est monté en épingle, créant un effet d’entraînement dévastateur. Pour ces jeunes en quête de repères, ces récits souvent enjolivés alimentent l’illusion d’un eldorado accessible, encourageant ainsi des départs désespérés.

Mais derrière ces belles images se cache une réalité bien plus sombre : celle de la désinformation, des manipulations médiatiques et des fausses promesses. Les réseaux sociaux deviennent un terrain fertile pour des campagnes de désinformation, souvent orchestrées par des forces extérieures, où l’Algérie, selon certaines accusations, joue un rôle en cherchant à ternir l’image du Maroc et à déstabiliser sa jeunesse.

Coopération Maroc-UE : des accords migratoires en trompe-l’œil

Dans ce contexte de désespoir, la coopération migratoire entre le Maroc et l'Union européenne apparaît paradoxale. Le Royaume, partenaire clé de l'UE en matière de contrôle des flux migratoires, se retrouve souvent en première ligne pour stopper des candidats à l’émigration, tout en supportant le poids de cette pression migratoire. 

Les accords bilatéraux signés avec les pays européens ont transformé le Maroc en un « protecteur » des frontières sud de l’Europe, créant une situation où certains jeunes voient dans cette coopération une barrière infranchissable plutôt qu’une protection de leurs propre vie et une opportunité de mobilité légale.

Jeux d’influence : le Maroc face à des stratégies déstabilisatrices

La question migratoire marocaine est également un terrain de jeu géopolitique où s’entremêlent intérêts internationaux et stratégies de déstabilisation. Le Royaume, pilier de stabilité dans une région troublée, fait face à des tentatives d’affaiblissement de la part de ses voisins. Des campagnes de désinformation, venues notamment d’Algérie, ont été identifiées, présentant l'émigration comme une opportunité, une échappatoire, exploitant les frustrations de la jeunesse pour créer des tensions internes et ternir l’image du Maroc à l’international.

Ces manœuvres, bien que sous-jacent, n’absousent pas les autres parties prenantes de leurs responsabilités. Les dynamiques migratoires représentent un enjeu mondial, et la stabilité du Royaume, tout comme celle de la région, requiert une vision commune et coordonnée afin d’offrir à la jeunesse des perspectives de développement et d’épanouissement qui dépassent l’option du départ.

Politiques publiques : "A la recherche de l'espoir perdu"

Loin de se résigner, le Maroc continue de déployer des efforts pour répondre aux aspirations de sa jeunesse. Des projets ambitieux, comme l'Initiative nationale pour le développement humain (INDH), visent à promouvoir l'emploi, la formation et l'insertion des jeunes, notamment dans les zones rurales et les régions les plus défavorisées. Ces initiatives, aussi louables soient-elles, doivent être accompagnées d’une vision à long terme pour restaurer la confiance des jeunes dans les institutions.

Les réformes éducatives, les politiques d’insertion professionnelle et les efforts pour améliorer le climat des affaires sont autant de chantiers nécessaires pour redonner espoir et dignité à une jeunesse marocaine qui refuse de se contenter de rêves lointains. Ce défi, immense, ne pourra être relevé qu’en prenant en compte la voix de ces jeunes, en les impliquant activement dans la construction de leur propre avenir.



3 QUESTIONS À YASSINE EL YATTIOUI : « LES ÉNERGIES RENOUVELABLES OU L’AGRO-INDUSTRIE, LE MAROC POURRAIT MIEUX OUTILLER SA JEUNESSE POUR ACCÉDER À DES EMPLOIS STABLES  »

 
Yassine El Yattioui, Expert en relations internationales et Secrétaire général de NejMaroc : Centre Marocain de Recherche sur la Globalisation

Comment évaluez-vous l'impact des politiques publiques actuelles à l'égard des  jeunes Marocains, en particulier en ce qui concerne leur contribution aux flux migratoires ?

L’évaluation de l’impact des politiques publiques marocaines à l’égard des jeunes révèle des enjeux diversifiés.

Les jeunes constituent un pilier central de la société marocaine, représentant plus de 30 % de la population. 

Le Maroc a, au cours des dernières décennies, mis en place plusieurs réformes et programmes destinés à améliorer l'insertion des jeunes dans le marché du travail et à stimuler l'entrepreneuriat. Des initiatives comme l'INDH (Initiative Nationale pour le Développement Humain) et le Programme Intégré d’Appui et de Financement des Entreprises (PIAFE) ont pour objectif de réduire la précarité et de promouvoir l’employabilité des jeunes. 

La crise économique qui a suivi la pandémie de Covid-19 a exacerbé les difficultés d'accès à l'emploi, en particulier pour les jeunes diplômés.


Quelles alternatives concrètes aux politiques actuelles pourraient mieux répondre aux défis socio-économiques qui poussent les jeunes Marocains à émigrer clandestinement ?

Une des alternatives concrètes serait de renforcer l’éducation professionnelle et technique pour répondre aux besoins du marché du travail national et international. 

En adaptant les formations aux secteurs en forte croissance, tels que les nouvelles technologies, les énergies renouvelables ou l’agro-industrie, le Maroc pourrait mieux outiller sa jeunesse pour accéder à des emplois stables. 

Le Royaume a déjà investi dans ce secteur, mais une plus grande collaboration entre les institutions éducatives et le secteur privé, par le biais de partenariats et de stages, permettrait de faciliter l'insertion des jeunes dans le monde professionnel.

Le soutien à l'entrepreneuriat est une autre voie prometteuse. Bien que des initiatives comme le Programme Intégré d'Appui et de Financement des Entreprises (PIAFE) aient vu le jour, il est essentiel de les amplifier en favorisant l'accès au financement et en multipliant les incubateurs dans tout le territoire. 

Le renforcement des programmes d’inclusion sociale est également crucial. Le Royaume pourrait développer davantage d'initiatives visant à offrir aux jeunes un accès facilité à des services publics, notamment en matière de santé et de logement, tout en encourageant leur participation citoyenne. 

Des programmes de mentorat et de soutien psychologique pour les jeunes en situation de vulnérabilité sociale contribueraient à renforcer leur confiance en l’avenir et à les dissuader de chercher des opportunités illégales à l'étranger.


Quels ajustements de la coopération migratoire entre le Maroc et l'UE seraient nécessaires pour mieux protéger les jeunes et réduire les risques liés à l'émigration clandestine ?

Un premier ajustement nécessaire concerne le renforcement des programmes de mobilité légale pour les jeunes Marocains. Aujourd'hui, de nombreux jeunes se tournent vers l'émigration clandestine faute d'opportunités légales accessibles. Bien que des initiatives existent, comme les programmes de visas pour étudiants ou travailleurs saisonniers, ils sont limités en nombre et souvent inadaptés aux réalités socio-économiques des jeunes au Maroc. 

Selon un rapport de l'OCDE, moins de 2 % des Marocains en âge de travailler ont pu bénéficier de programmes de mobilité légale vers l'Europe en 2022. L’UE pourrait élargir ces programmes en créant des partenariats bilatéraux spécifiques avec le Maroc dans des secteurs clés, comme les nouvelles technologies, l’agriculture, ou les soins de santé, pour offrir aux jeunes des alternatives légales à l’émigration clandestine.

Un autre axe d'amélioration concerne le soutien au développement local dans les régions du Maroc où les jeunes sont les plus susceptibles de tenter la migration illégale.

L'INDH (Initiative Nationale pour le Développement Humain) a déjà permis la mise en place de nombreux projets, mais un soutien financier et technique accru de la part de l'UE renforcerait considérablement ces efforts.

De nombreux jeunes marocains, même ceux qui parviennent à rejoindre légalement l'Europe, se retrouvent dans des situations précaires, victimes de discrimination ou d'exploitation. 

Enfin, la sensibilisation et l’éducation des jeunes sur les risques liés à l’émigration clandestine doivent être renforcées. Le Royaume du Maroc, en partenariat avec l'UE, pourrait investir dans des campagnes de sensibilisation à grande échelle pour informer les jeunes sur les dangers de la migration illégale et les encourager à rechercher des alternatives légales. Des campagnes similaires, menées par l’OIM dans d’autres régions, ont montré une réduction de 15 % des tentatives d'émigration clandestine dans les zones ciblées. En mettant en avant les opportunités disponibles dans le cadre des partenariats bilatéraux et des programmes de mobilité légale, ces campagnes pourraient dissuader un plus grand nombre de jeunes de se lancer dans des voyages dangereux.


Le drame de Fnideq est le symptôme d’un mal plus profond qui plane son ombre sur la jeunesse marocaine, celui d’une société en quête de repères et d’un cap à suivre. Il nous rappelle que la jeunesse n’est pas un problème à résoudre mais une force vive à accompagner. Dans un monde en mutation, où les frontières deviennent des murs et où l’information est une arme à double tranchant, le Maroc doit se montrer à la hauteur de ce défi historique : offrir à sa jeunesse non pas un rêve d’ailleurs, mais des raisons de croire en un avenir ici, chez eux.

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