À l'aube de 2025, les indicateurs économiques marocains témoignent du rôle crucial que jouent les Marocains du Monde dans le développement du royaume. Leur contribution se manifeste principalement à travers deux canaux majeurs : les transferts de fonds et leur participation active au secteur touristique.
Les données de l'Office des changes révèlent qu'à fin novembre 2024, les transferts financiers des Marocains du Monde ont atteint 108,67 milliards de dirhams, affichant une croissance de 2,8% par rapport à la même période de 2023. Cette performance s'inscrit dans une tendance de long terme particulièrement favorable, les transferts ayant plus que doublé en une décennie, passant de 57,4 milliards de dirhams en 2014 à 115,26 milliards en 2023.
Parallèlement, le secteur touristique marocain affiche des performances remarquables. Les recettes touristiques ont atteint 104,47 milliards de dirhams à fin novembre 2024, marquant une progression de 7,2% par rapport à la même période de l'année précédente. Cette croissance s'accompagne d'une augmentation significative du flux touristique, avec 15,9 millions de visiteurs accueillis à fin novembre 2024, soit une hausse de 20% sur un an.
La conjugaison de ces deux flux financiers représente un apport considérable pour l'économie nationale. Ensemble, ils ont totalisé 213,14 milliards de dirhams à fin novembre 2024, permettant de couvrir plus de 77,29% du déficit commercial du pays. Cette contribution s'avère déterminante pour la stabilité macroéconomique du Maroc.
L'attachement des Marocains du Monde à leur pays d'origine se traduit non seulement par des transferts financiers réguliers, mais également par leur participation active au tourisme national, notamment à travers l'opération Marhaba qui facilite chaque année leur retour au pays. Cette double contribution - financière et touristique - témoigne de leur rôle fondamental dans le développement économique du royaume.
Selon les projections de Bank Al-Maghrib, cette dynamique positive devrait se maintenir, avec une croissance attendue des transferts de 4,3% d'ici fin 2024. À plus long terme, ces flux devraient continuer leur progression pour atteindre environ 128 milliards de dirhams à l'horizon 2026.
Pour l'avenir, le défi majeur consistera à optimiser l'impact de ces ressources, notamment en orientant davantage de transferts vers l'investissement productif, qui ne représente actuellement que 10% du total des fonds transférés.
3 QUESTIONS À YASSINE EL YATTIOUI : « LA DIASPORA MAROCAINE EST UN ATOUT STRATÉGIQUE POUR LE DÉVELOPPEMENT DU PAYS »
Yassine El Yattioui, Expert en relations internationales et Secrétaire général de NejMaroc : Centre Marocain de Recherche sur la Globalisation
1. Comment le Maroc peut-il diversifier son offre touristique pour attirer plus de visiteurs internationaux ?
Le Maroc dispose d’un potentiel touristique considérable grâce à la diversité de ses paysages, son patrimoine culturel et son hospitalité reconnue. Pour attirer davantage de visiteurs internationaux, le pays doit diversifier son offre touristique afin de répondre à une demande mondiale de plus en plus segmentée et exigeante.
Le développement du tourisme culturel est un axe incontournable. Le Maroc possède des médinas classées au patrimoine mondial, des monuments historiques et des traditions séculaires qui attirent les amateurs d’histoire et de culture. Une mise en valeur accrue de ces éléments, à travers des circuits thématiques, des festivals artistiques ou encore des musées modernisés, permettrait de renforcer son attractivité. L’artisanat et la gastronomie, véritables vitrines du savoir-faire marocain, peuvent également être intégrés à cette stratégie.
Le tourisme écologique et durable constitue une opportunité en pleine expansion. En mettant en avant ses parcs naturels, ses montagnes et ses côtes, le Maroc peut répondre à une demande croissante pour des expériences respectueuses de l’environnement. Des initiatives telles que le développement d’hébergements écologiques, la préservation de la biodiversité et l’organisation de circuits responsables pourraient attirer une clientèle sensible à ces enjeux.
Le tourisme d’aventure offre un potentiel non négligeable. Avec ses montagnes propices au trekking, ses dunes pour des expéditions en 4x4 et ses plages prisées par les surfeurs, le Maroc peut s’imposer comme une destination privilégiée pour les amateurs de sensations fortes. L’amélioration des infrastructures et la formation des guides locaux sont des éléments clés pour développer ce segment.
Le tourisme de bien-être est un autre domaine prometteur. Le pays, riche de ses traditions de hammams et de soins corporels, pourrait se positionner comme une destination de choix pour les séjours de détente. En développant des spas modernes combinés à des techniques traditionnelles, le Maroc attirerait une clientèle à la recherche de relaxation et de régénération.
Le tourisme d’affaires et de congrès mérite également une attention particulière. En investissant dans des centres de conférences modernes, des hôtels adaptés et une connectivité aérienne renforcée, le Maroc pourrait devenir une destination de référence pour les événements professionnels, générant une fréquentation touristique régulière tout au long de l’année.
Le tourisme rural, enfin, offre la possibilité de mettre en valeur des régions moins connues comme l'Oriental et de favoriser un développement économique équilibré. En proposant des séjours authentiques dans les villages, des expériences agricoles et des rencontres avec les communautés locales, le Maroc répondrait à l’intérêt croissant pour le tourisme participatif.
Ces diversifications doivent être soutenues par des politiques publiques ambitieuses, une communication internationale ciblée et des partenariats avec des agences de voyage et des plateformes numériques. La promotion d’une image moderne et diversifiée du Maroc permettra d’attirer une clientèle variée et d’assurer une croissance durable du secteur.
2. Comment le Maroc peut-il mieux mobiliser sa diaspora pour des projets structurants et durables ?
La diaspora marocaine est un atout stratégique pour le développement du pays. En tirant parti de ses compétences, de son capital économique et de son attachement culturel, le Maroc peut renforcer son implication dans des projets structurants et durables.
La restructuration institutionnelle est un préalable indispensable. Une meilleure coordination entre les différentes entités en charge de la diaspora est nécessaire pour éviter les doublons et garantir une efficacité accrue. La création d’organismes spécialisés, dotés de moyens adaptés, faciliterait la mise en œuvre de programmes ciblés et répondant aux besoins des Marocains résidant à l’étranger.
L'extrait du Discours Royal de SM le Roi Mohammed VI, le 6 novembre 2024 l'atteste : "La Fondation Mohammedia des Marocains résidant à l’étranger: cette instance dédiée, une fois créée, deviendra le bras opérationnel de la politique publique en la matière.
Ainsi, la nouvelle Fondation sera chargée d’agréger les attributions actuellement dispersées entre une multitude d’acteurs, de coordonner l’élaboration et la mise en œuvre de la Stratégie nationale dédiée aux Marocains résidant à l’étranger."
Le renforcement des liens entre la diaspora et le Maroc passe également par une communication efficace. Des plateformes numériques interactives pourraient centraliser les informations sur les opportunités d’investissement, les projets en cours et les besoins du pays. Ces outils offriraient un espace de dialogue permettant aux membres de la diaspora de contribuer activement au développement national.
La reconnaissance des compétences des Marocains à l’étranger est un levier important. La mise en place de mécanismes permettant une fluidication des équivalences des diplômes et la validation des expériences professionnelles faciliterait leur intégration dans les secteurs clés de l’économie marocaine. Des incitations financières, comme des avantages fiscaux, pourraient encourager les investissements dans des domaines prioritaires tels que les énergies renouvelables, l’agriculture ou les technologies de l’information.
Les liens culturels et identitaires avec la diaspora doivent également être renforcés. L’organisation d’événements culturels, de forums économiques et de rencontres professionnelles permettrait de maintenir un sentiment d’appartenance tout en valorisant les talents marocains à l’étranger. De même, l’enseignement de la langue arabe et de la culture marocaine aux jeunes générations est essentiel pour préserver leur attachement à la mère-patrie.
Le développement de réseaux professionnels sectoriels regroupant des experts marocains à l’étranger est une autre piste prometteuse. Ces réseaux pourraient jouer un rôle clé dans le transfert de savoir-faire et de technologies, en proposant des solutions innovantes adaptées au contexte local.
Enfin, il est crucial de simplifier les démarches administratives pour les Marocains résidant à l’étranger souhaitant investir ou s’établir au Maroc. Un guichet unique, dédié à la diaspora, permettrait de centraliser et de fluidifier les procédures, renforçant ainsi la confiance et l’engagement des expatriés.
Ces mesures, combinées à une vision stratégique claire, permettront de mobiliser efficacement la diaspora marocaine et d’en faire un acteur majeur du développement durable du pays.
3. Quelles mesures concrètes pourraient être mises en place pour augmenter la part des transferts destinée à l'investissement productif au-delà des 10% actuels ?
Pour augmenter la part des transferts de la diaspora destinée à l’investissement productif, le Maroc doit adopter une approche proactive et structurée.
La première étape consiste à mettre en place des mécanismes financiers adaptés. Des produits bancaires dédiés, tels que des comptes épargne spécifiques ou des fonds d’investissement ciblés, pourraient encourager les membres de la diaspora à orienter leurs transferts vers des projets productifs. Ces instruments doivent offrir des conditions attractives, comme des taux d’intérêt compétitifs et des garanties sur les investissements réalisés.
La création de zones économiques spéciales, réservées aux investissements de la diaspora, est une autre piste à explorer. Ces zones pourraient bénéficier d’incitations fiscales et réglementaires avantageuses, attirant ainsi les capitaux des expatriés. De plus, elles offriraient un environnement sécurisé et transparent, essentiel pour rassurer les investisseurs.
Le développement d’un accompagnement personnalisé est également crucial. Des agences spécialisées pourraient conseiller la diaspora sur les opportunités d’investissement, les démarches administratives et les secteurs porteurs. Un service dédié, combinant expertise locale et connaissance des besoins des expatriés, permettrait de maximiser l’impact des transferts financiers.
La sensibilisation de la diaspora aux enjeux économiques du Maroc est une autre priorité. Des campagnes de communication, mettant en avant les opportunités d’investissement et les retombées positives sur le développement local, inciteraient les Marocains résidant à l’étranger à orienter leurs transferts vers des projets productifs. Des forums d’échanges, organisés dans les principaux pays d’accueil de la diaspora, renforceraient cette sensibilisation.
Enfin, la création de partenariats public-privé permettrait de canaliser les transferts financiers vers des initiatives stratégiques. Ces partenariats offriraient des garanties supplémentaires tout en associant la diaspora à des projets ayant un fort impact social et économique.
En mettant en œuvre ces mesures, le Maroc pourrait significativement augmenter la part des transferts destinée à l’investissement productif, contribuant ainsi au développement durable et à la résilience économique du pays.
La solidité de ces indicateurs renforce la position du Maroc sur la scène internationale, comme en témoigne sa progression dans le classement mondial des recettes touristiques, où le pays est passé de la 41ème à la 31ème position entre 2019 et 2023.
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